Georges Rabeau


 Georges Rabeau est né le 13 mai 1907 à Bourcefranc. Il est le dernier d’une famille de six enfants.

 

Il fut surtout élevé par sa mère, Rose, devenue veuve alors que Georges était encore tout jeune .

 

Enfant, il était déjà attiré par les bateaux : petits bateaux qu’il fabriquait lui-même, des bateaux à voiles ! Ces voiles, il les a même taillées une fois dans le dos d’une chemise de sa mère car, à l’époque, les femmes portaient de grandes chemises de toile de coton, idéales donc.

 

A l‘école, il n’était pas mauvais élève mais peut-être le temps lui paraissait-il long ou l’envie de travailler plus forte. Une fois, il se sauva par la fenêtre de la classe pour ne jamais y revenir .

 

Le témoignage de sa fille Madeleine Lièvre, née Rabeau

 

"Alors, commence l’apprentissage chez Monsieur Georges Gazeau de Bourcefranc.

 

Mon père s’est établi en 1927, à l’âge de 20 ans.

 

Son premier atelier dans la baie du Chapus est toujours là, le plus haut. Il y construisait ses lasses. Ensuite, il a fait construire l’autre partie du chantier quand il a commencé à faire ses grands bateaux de pêche.

 

C'est le 3 décembre 1927 qu’ils se sont mariés avec Maman, Madeleine. En 1929, Michel est né.

 

Mon père avait du travail, ce qui fait qu’il repoussait toujours, par des sursis, le moment de faire son service militaire. Le travail, les ouvriers… Enfin, il partit au service à l’époque où je suis née, en 1934. Il fut incorporé à Rochefort ce qui lui permettait de venir voir son personnel et de suivre l‘activité du chantier.

 

Malheureusement, ce fut la déclaration de guerre. Incorporé en 1939, mon père dut fermer le chantier, un bateau commencé resta inachevé pendant des années. Il fut fait prisonnier en 1940 en Allemagne et fut libéré en 1943. Il mit un mois pour revenir sur sa terre natale, subissant les bombardements en cours de route.

 

A son retour, grande joie ! Il put connaître ma sœur Georgette qui était née au début de la guerre. Il reprit alors le travail. Ce n’était pas toujours facile car il fallait des tickets pour la quincaillerie , clous, pointes, etc.

 

Puis, au début du mois d’août 1944, nous avons été évacués à Saint Jean d’Angle car l’Île d’Oléron était encore occupée par les Allemands. Mon père préféra s’éloigner avec ses enfants. La guerre, il en sortait, alors merci ! Enfin, au mois de mai 1945, nous sommes revenus chez nous. Le chantier allait connaître un nouvel élan.

 

Mon frère Michel, qui avait 16 ans, apprit le métier. Il travailla pendant dix ans puis partit au Pouliguen. Parmi les ouvriers de mon père, il y avait aussi André Poirier, Jacky Breuil, Gaston Vittet comme apprenti qui s’en alla par la suite faire la pêche à la Côtinière. Georges, son dernier fils, fit aussi son apprentissage au chantier puis, vers vingt ans, partit vers d’autres horizons.

 

De 1928 à 1939, 42 bateaux ronds furent construits au chantier. C’était l’essor de l’ostréiculture et il y avait beaucoup de travail. Les jeunes qui se mettaient à leur compte faisaient construire une lasse et ensuite un bateau. En 1947, ce fut un bateau de 11 mètres « La Providence » pour Lionel Thomas. Il fallut allonger le chantier pour cette occasion.

 

Quand un client ne payait pas toute sa facture, sur le cahier de comptes, mon père mettait : « mort ». La petite anecdote en dit long sur son désintéressement et l’amour de son métier. Il disait : « Pourquoi faire de la pub ? Quand les clients sont satisfaits , ils reviennent tout seuls… »

 

Mon père termina sa carrière seul ce qui ne l’empêcha pas de continuer de faire des bateaux pour l’ostréiculture. De 1945 à 1970, il fit des bateaux de toutes sortes, des bateaux de pêche pour La Cotinière, la Vendée, Arcachon mais aussi nombre d’embarcations pour le secteur de Bourcefranc.

 

Après toutes ces années d’un travail qu’il aimait tant , il attendait l’heure de la retraite mais, malheureusement, la maladie l’emporta en quelques mois, quelques jours après ses 64 ans. La retraite qui, à l’époque était à 65 ans , il ne la connut jamais.

 

Cet atelier fait partie de notre vie puisque mon mari y travailla aussi comme menuisier pendant trente ans. Grâce aux livres de comptes, à quelques photos, je peux aujourd’hui retracer la vie de ce chantier, le parcours de mon père qui est aussi le nôtre et tout ce qui reste est pour moi un trésor.

 

Je suis contente que l’endroit serve maintenant à l’Association des lasses marennaises. Cela permettra de le faire vivre et de perpétuer le souvenir des gens de mer qui, comme mon cher père, ont voué leur vie à leur passion des bateaux."

 

Témoignage recueilli par l'Association des lasses marennaises en 2009.